Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 10 juin 2017 à Akulivik, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 9 mai 2019 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 10 juin 2017 à Akulivik, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Corps de police régional Kativik (CPRK).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un comité composé de deux procureurs. Ces derniers ont procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Un procureur qui a participé à l'analyse du dossier a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le matin du 10 juin 2017, un appel d'urgence est fait concernant une personne saignant abondamment dans une maison à Akulivik. Deux agents du CPRK se dirigent vers ce secteur où ils aperçoivent un jeune garçon, grièvement blessé dans la rue. Un témoin les informe de l'identité du suspect qui aurait attaqué la victime.
Les deux agents commencent à porter secours à la victime lorsque le suspect s'avance vers eux, un couteau de cuisine dans chaque main. Il manifeste des signes d'agressivité. Les agents sortent leur arme de service et la pointent vers lui, en lui intimant l'ordre de lâcher ses couteaux. Il refuse d'obtempérer.
Le suspect parle du fait qu'il a tué des gens et que les policiers allaient devoir tirer parce qu'il n'irait pas en prison. L'homme ajoute vouloir se tuer, allant jusqu'à placer l'un des couteaux sous sa gorge. Il lance ensuite l'un des deux couteaux en direction d'un policier, sans réussir à l'atteindre.
Le suspect se déplace ensuite dans le village, où plusieurs citoyens observent la scène. Durant le déplacement, l'un des policiers tente de désarmer l'homme en lui lançant son bâton télescopique. La manœuvre ne réussit pas. L'homme dit vouloir tuer un membre de sa famille qui habite dans une maison vers laquelle il se dirige. Alors qu'il s'en approche, l'homme est avisé par les policiers de ne pas y entrer, sinon ils feraient feu.
Une personne gît sur le sol, recouverte d'une couverture, près de la maison.
Lorsque l'homme commence à monter les escaliers extérieurs de la maison, les policiers ouvrent le feu. Atteint au dos, l'homme entre tout de même à l'intérieur de la maison, aussitôt suivi des deux agents.
L'intervention policière prend fin dans la cuisine quelques instants plus tard lorsque l'homme fonce sur l'un des policiers, avec le couteau à la main. Les deux policiers font feu. Atteint à nouveau, il s'écroule sur le dos. Son décès est constaté sur place.
Au total, trois membres de la famille du sujet ont été poignardés mortellement, tandis que cinq autres ont été blessés à la suite de coups de couteau reçus du suspect avant l'intervention des policiers.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les agents de la paix sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Les faits au dossier démontrent que les policiers ont tenté diverses manœuvres afin de convaincre le suspect de se rendre, de lâcher son arme et de l'empêcher d'entrer dans la maison. Compte tenu de tout ce qui s'était produit dans les minutes précédentes ainsi que de tout ce qui était à leur connaissance, il est évident que les policiers devaient l'empêcher de rentrer dans la maison, armé d'un couteau. Ainsi, la force utilisée à ce moment-là n'était pas excessive et était nécessaire dans les circonstances. Une fois à l'intérieur de la maison, l'usage de la force était nécessaire pour protéger le policier d'une attaque imminente, alors que l'homme se dirigeait vers lui, couteau à la main.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'un acte criminel par les policiers du CPRK impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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