Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 16 mars 2018 à Inukjuak, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 9 oct. 2019 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 16 mars 2018 à Inukjuak, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Corps de police régional de Kativik (CPRK).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 15 mars 2018, vers 22 h 48, un appel est fait au poste de police du CPRK pour des voies de fait survenues plus tôt durant la soirée.
Le 16 mars, vers 0 h 30, après avoir rencontré la plaignante et l'avoir transportée dans un établissement de soins de santé, deux policiers du CPRK se rendent à la résidence du suspect pour procéder à son arrestation et pour s'assurer qu'il n'y a pas d'autres personnes blessées ou en danger sur les lieux.
Les policiers entrent dans la résidence du suspect et le découvrent dans la chambre à coucher. Il est au sol, son torse et sa tête reposent sur un matelas posé par terre. Les policiers tentent, en vain, de le réveiller. L'un des policiers tourne l'homme sur le côté pour vérifier son état général. L'homme respire, son corps est flexible et chaud et la couleur de sa peau est normale. De l'avis des policiers, l'homme semble dans un sommeil profond en raison d'une intoxication avancée à l'alcool. À ce moment, aucun problème de santé n'est apparent, ni aucune menace à sa sécurité.
Considérant que les circonstances ne permettent pas de procéder à l'arrestation du suspect, qu'il n'y a pas de situation d'urgence et que la plaignante est en sécurité, les policiers estiment que l'arrestation peut attendre à plus tard. Comme il est courant de le faire dans une telle situation, ils jugent qu'il est préférable de laisser dormir l'homme pour qu'il dégrise. Lors de leur intervention, les policiers ne disposent pas d'information à l'effet que le suspect souffre d'un problème cardiaque.
Vers 13 h 20, un policier du CPRK se rend à la résidence du suspect afin de procéder à son arrestation. Ce policier ne possède pas non plus l'information que l'homme souffre d'un problème cardiaque justifiant une intervention rapide. Arrivé sur place, le policier constate que la porte est ouverte et que des personnes se querellent à l'intérieur. Il entre afin d'intervenir auprès de ces personnes. Après avoir maîtrisé la situation, le policier trouve le suspect sans vie, étendu dans une chambre à coucher. Le policier contacte un collègue pour que les services ambulanciers se rendent sur les lieux.
Vers 14 h 06, les ambulanciers se présentent sur les lieux et conduisent l'homme à un centre hospitalier.
Vers 14 h 42, le décès de l'homme est constaté par un médecin au centre hospitalier.
Le rapport d'autopsie, inclus au rapport d'enquête, révèle que l'homme souffrait d'une maladie coronarienne et que la cause du décès est une cardiopathie ischémique compliquée de thrombose.
Analyse du DPCP
La preuve au dossier d'enquête permet d'exclure tout usage de la force comme élément contributif du décès. En effet, la preuve démontre que la cause du décès est extrinsèque à l'intervention policière et est attribuable à une maladie coronarienne. De plus, la preuve au dossier d'enquête ne permet pas de conclure que les policiers impliqués ont fait preuve de négligence criminelle.
En matière de négligence criminelle, il est interdit à une personne d'accomplir un geste ou d'omettre de poser un geste que la loi exige qu'il pose, lorsque cela montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui.
La simple négligence dans l'accomplissement d'un acte, ou le fait de ne pas remplir une obligation imposée par la loi, sont toutefois insuffisants pour conclure à la négligence criminelle. La conduite doit représenter « un écart marqué et important par rapport à la conduite d'une personne raisonnablement prudente », distinguant ainsi la faute civile de la faute criminelle.
Par ailleurs, la négligence criminelle ne constitue pas une infraction autonome. Toute forme de contribution à la mort ou aux lésions corporelles n'est pas criminelle. Pour être punissables, les gestes ou les omissions doivent avoir contribué de façon appréciable, c'est à-dire plus que mineure aux lésions corporelles ou encore au décès d'une autre personne.
L'analyse de l'ensemble de la preuve au dossier d'enquête révèle que les policiers n'étaient pas informés, au moment des interventions, que l'homme souffrait d'une maladie cardiaque et aucune indication ne leur permettait de le croire. Les policiers ont toutefois effectué des vérifications quant à son état général, rien ne leur laissant alors croire que la sécurité du sujet était particulièrement compromise.
La preuve ne révèle pas que les policiers impliqués dans cette affaire ont adopté un comportement qui s'écarte de façon marquée et importante par rapport à la conduite d'une personne raisonnablement prudente dans les circonstances.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'un acte criminel par les policiers du CPRK impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
Partager cet article