Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 16 mars 2021 à Joliette, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 16 nov. 2021 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), en lien avec l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 16 mars 2021 à Joliette, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sureté du Québec (SQ).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 16 mars 2021, à 14 h 43, un appel 911 est fait à propos d'une femme qui requiert l'assistance des policiers car son conjoint est violent avec elle. L'appel est effectué par une proche de la femme qui a été contactée par cette dernière pour obtenir de l'aide.
À 14 h 54, une policière arrive sur les lieux. Peu après, un collègue de la policière arrive à son tour alors qu'elle vient d'entrer dans l'immeuble comportant six logements. Ils se rendent devant la porte de l'appartement et cognent à plusieurs reprises en mentionnant être policiers. Ils entendent le cri faible d'une femme à l'intérieur qui demande de l'aide. Personne ne vient ouvrir la porte qui est verrouillée. À plusieurs reprises, les policiers ordonnent d'ouvrir et mentionnent qu'à défaut, ils devront défoncer la porte. Ils donnent plusieurs coups de pied dans celle-ci sans qu'elle cède. À 14 h 57, le policier mentionne sur les ondes radio qu'ils ont entendu une personne crier plus tôt et qu'ils essaient de défoncer la porte mais qu'ils n'y parviennent pas. À 14 h 58, le policier confirme sur les ondes radio qu'un outil bélier leur serait utile.
Les policiers poursuivent leurs tentatives pour forcer la porte. Lorsqu'elle cède finalement quelques secondes plus tard, les policiers voient deux personnes au sol à quelques mètres d'eux. Une femme est allongée sur le dos, ensanglantée, et un homme est accroupi à ses côtés, un long couteau de cuisine à la main. L'homme fait face aux policiers. Il tient le couteau dans les airs, pointé vers la femme, prêt à la poignarder. Les policiers lui crient de lâcher le couteau. L'homme les regarde, mais au lieu d'obtempérer, il approche le couteau du ventre de la femme. Le policier tire deux coups de feu rapprochés en direction de l'homme qui s'écroule immédiatement. À 14 h 58, la policière demande que des ambulances soient appelées sur les lieux puisque des coups de feu ont été tirés et qu'une femme a été blessée par un couteau. La policière se précipite pour prêter assistance à la femme alors que son collègue sécurise les lieux. Un troisième policier entre dans l'appartement et entame des manœuvres de réanimation sur l'homme.
Les deux personnes sont transportées par ambulance à l'hôpital où les blessures graves subies par la femme sont soignées et où le décès de l'homme est constaté.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Dès que la porte s'est ouverte et qu'ils ont pu voir ce qui se passait dans le logement, les policiers avaient de sérieuses raisons de craindre pour la vie et la sécurité de la femme. Celle-ci était allongée sur le dos, gravement blessée et vulnérable face à l'homme qui était au-dessus d'elle, armé d'un long couteau. Malgré les ordres des policiers, l'homme a continué de menacer de poignarder la femme. La preuve révèle par ailleurs que les policiers ont dû agir dans l'urgence puisqu'il s'est écoulé moins de 30 secondes entre le moment où la porte a cédé et celui où les coups de feu ont été tirés. Le danger pour la vie de la femme était à ce point réel et imminent que l'usage d'une force susceptible de causer la mort était nécessaire, proportionnel et raisonnable, eu égard à l'ensemble des circonstances.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'un acte criminel par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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