Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 1er juin 2017 à Kahnawake, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 5 nov. 2019 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme le 1er juin 2017 à Kahnawake, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les agents du Service de police de Châteauguay (SPC) et des Peacekeepers de Kahnawake (PK).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé la personne blessée de la décision.
Événement
Le 1er juin 2017, vers 1 h, deux hommes sont à bord d'un véhicule Kia Rio blanc. L'un d'eux est au volant et l'autre prend place comme passager à l'avant. Deux ambulanciers remarquent le véhicule alors que la conduite est erratique et ils rapportent leurs constatations sur les ondes radio. Le véhicule ne porte aucune plaque d'immatriculation. Après quelques minutes, les ambulanciers le perdent de vue.
Vers 1 h 30, deux policiers du SPC reçoivent le signalement et en ratissant le secteur, ils aperçoivent un véhicule qui correspond à celui signalé. Lorsque les policiers ont suffisamment de soupçons quant au fait que le conducteur a les capacités affaiblies, ils actionnent les gyrophares pour l'intercepter. Le véhicule accélère et se distancie des policiers. La sirène est mise en marche. Le véhicule suspect continue d'accélérer jusqu'à environ 75 km/h. Les policiers laissent le véhicule s'éloigner.
Une fois sur le territoire de Kahnawake, un véhicule de patrouille des PK avec deux agents à bord prend le relais et les policiers du SPC suivent derrière. Le véhicule suspect zigzague, empiète sur la voie inverse et effectue des dépassements. Sa vitesse monte à environ 100 km/h en effectuant des manœuvres de braquage et de contrebraquage. Le véhicule dérape, entre en contact avec une bordure de béton, traverse la voie inverse et percute de manière frontale la façade d'un restaurant bar.
Au moment de la collision, la vitesse estimée du véhicule suspect se situe entre 120 et 150 km/h. La poursuite policière a duré d'une à deux minutes. À aucun moment durant la poursuite, le conducteur n'a tenté de freiner ou de ralentir sa vitesse.
Les agents des PK arrivent en premier sur les lieux, suivis des policiers du SPC. Le conducteur et le passager sont pris en charge par les policiers et les ambulanciers puis sont amenés à l'hôpital. Le conducteur blessé a subi une opération en raison d'un traumatisme à la colonne vertébrale.
Le rapport d'expertise en toxicologie, effectué le 7 août 2017, révèle que le conducteur avait une alcoolémie de 109 mg/100 ml au moment du prélèvement fait à 2 h 49 le 1er juin 2017, soit approximativement une heure après l'événement.
Les deux occupants du véhicule fuyard ont dû répondre d'accusations, ont plaidé coupable à certaines d'entre elles et ont reçu leur peine.
Analyse du DPCP
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 249 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants ou les avertisseurs sonores ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, que dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du Code.
Dans ce cas-ci, les policiers du SPC avaient des motifs raisonnables de croire que le conducteur était en train de commettre une infraction.
Le rapport d'enquête de collision révèle que le temps était clair et la visibilité était bonne. Les policiers étaient en mesure de voir loin devant eux, ce qui augmente leur temps de réaction. Les policiers se sont assurés tout au long de la poursuite policière de laisser suffisamment d'espace entre eux et le véhicule suspect pour permettre un bon temps de réaction et ainsi éviter de causer un accident. Les lumières et les sirènes étaient allumées dès le début de la poursuite pour s'assurer d'être visible et s'assurer également que le conducteur sache qu'il devait s'immobiliser.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'un acte criminel par les policiers du SPC et des PK impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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