Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 20 juin 2020 à Montréal, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 18 janv. 2021 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement du 20 juin 2020 entourant le décès d'un homme constaté le 21 juin 2020 à Montréal, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 20 juin 2020, à 22 h 42, un appel est fait au 911 concernant une situation de violence conjugale et l'information est à l'effet que les personnes impliquées se trouvent sur le balcon d'un hôtel situé sur la rue Sherbrooke Est à Montréal. Un policier et une policière se rendent sur les lieux et voient un homme dans l'escalier de secours extérieur de l'hôtel correspondant à la description reçue sur les ondes radio.
L'agent interpelle l'homme pour l'informer de l'appel reçu concernant un conflit et qu'il correspond à la description de l'une des personnes impliquées. L'homme descend les marches et l'agent l'informe qu'il est détenu pour fins d'enquête. Celui-ci ne collabore pas et se dirige vers l'hôtel. Le policier lui prend le bras gauche et avec l'aide de sa collègue, il est amené vers le véhicule de patrouille. Les deux policiers tentent de le menotter. L'homme réussit cependant à se libérer et court au sud de la rue Sherbrooke pour ensuite descendre la rue Saint-André.
Les deux policiers commencent alors une poursuite à pied. L'homme jette un sac au sol et va ensuite dans le stationnement d'une station-essence située sur la rue Ontario Est. Il se rend à l'arrière d'un véhicule stationné devant l'une des pompes à essence, se retourne et dit aux policiers qu'il est armé. L'agent recule et sort son poivre de Cayenne. L'homme reprend sa course en direction est en traversant le stationnement de la station-essence. L'agent utilise alors son poivre de Cayenne à deux reprises, mais l'homme ne semble pas incommodé et poursuit sa course.
L'homme commence à ralentir et s'arrête finalement à l'intersection des rues Ontario Est et Saint-Timothée, à environ 300 mètres de l'hôtel. Il s'assoit sur le trottoir, se met à quatre pattes et gesticule. L'arme à impulsion électrique (AIE) est utilisée, uniquement en mode démonstration, afin d'obtenir la collaboration de l'homme. D'autres policiers arrivent en renfort. L'homme mentionne faire une crise d'asthme. Il se couche sur le ventre et il est menotté dans le dos pour être ensuite placé en position latérale de sécurité. Il perd connaissance à quelques reprises. Deux policiers vont récupérer le sac abandonné afin de vérifier si des inhalateurs pour l'asthme s'y trouvent. Les ambulanciers appelés sur les lieux prennent en charge l'homme qui est transporté dans un centre hospitalier où son décès est constaté vers 0 h 20.
Une vidéo filmée par un passant permet de voir et d'entendre l'intervention des policiers lorsque l'homme est au sol ainsi que la façon dont il a été menotté. Bien que cette vidéo ne permette pas de voir l'intervention dans son intégralité, elle correspond essentiellement aux versions des policiers quant aux gestes posés par ceux-ci lorsqu'ils lui ont passé les menottes.
Une analyse toxicologique a révélé que le sang de l'homme contenait notamment un stupéfiant en concentration létale. Le pathologiste a conclu qu'une intoxication aigüe à cette substance avait directement provoqué le décès et qu'une maladie coronarienne athérosclérotique avait contribué à celui-ci.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention initiale auprès de l'homme était légale. Les policiers pouvaient procéder à la détention de l'homme pour fins d'enquête.
La preuve au dossier permet de conclure qu'en sus de l'utilisation du poivre de Cayenne, la force utilisée a été limitée à celle nécessaire pour maîtriser l'homme afin de procéder au menottage et de le placer en position sécuritaire.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'un acte criminel par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Christian Leblanc, Ad. E., Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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