Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 22 juin 2020 à Montréal, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 15 oct. 2021 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme le 22 juin 2020 à Montréal, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé la personne blessée de la décision.
Événement
Le 22 juin 2020, vers 19 h, un homme est arrêté et détenu pour voies de fait armées, menace et méfait. Il est amené au centre de détention du Centre opérationnel Est du SPVM en vue de sa comparution. Lors de son arrestation, il affirme aux policiers avoir consommé des amphétamines.
Vers 21 h 20, l'homme est placé en cellule. Il est calme, mais semble intoxiqué.
À 22 h 39, des policiers du centre de détention entendent un fort bruit en provenance du bloc cellulaire. Ils se rendent sur place et constatent que l'homme se frappe violemment la tête sur le mur de la cellule.
Les policiers tentent, en vain, de communiquer avec l'homme pour comprendre les raisons de ce comportement et le convaincre d'arrêter. L'homme ne répond pas à leurs demandes. Il crie des mots incompréhensibles, présente une attitude agressive et semble en délire agité. Il continue à se frapper la tête contre le mur de la cellule. Une quantité importante de sang recouvre le visage de l'homme ainsi que le mur et le sol de la cellule. Les services médicaux d'urgence sont appelés.
Les policiers décident de recourir à une arme à impulsion électrique (AIE) pour leur permettre de faire une entrée dynamique dans la cellule et maitriser l'homme.
À 22 h 43, un policier déploie une première cartouche de l'AIE et émet une décharge électrique en direction de l'homme. Au même moment, quatre policiers pénètrent dans la cellule et tentent de le maitriser. L'homme se débat et résiste activement à l'intervention. Le policier manœuvrant l'arme projette deux nouvelles décharges électriques, mais en vain. L'homme se relève et tente d'agresser un des policiers. Le policier déploie alors une deuxième cartouche de l'AIE et lance une autre décharge électrique vers l'homme. Ses collègues effectuent un repli stratégique et sortent de la cellule.
Vers 22 h 45, les policiers demandent l'assistance du groupe d'intervention.
Dans l'attente de leur arrivée, l'homme continue de se frapper la tête, et ce, malgré les tentatives verbales des policiers pour le calmer.
À 23 h 08, le groupe d'intervention entreprend son intervention auprès de l'homme. Après avoir tenté en vain une désescalade de la situation par le dialogue, un policier du groupe d'intervention utilise une AIE à son endroit. À cet instant, d'autres policiers sortent l'homme de la cellule, le maitrisent et le menottent.
Vers 23 h 10, les ambulanciers prennent en charge l'homme et lui injectent un calmant.
À 23 h 13, l'homme est transporté dans un centre hospitalier pour une lésion importante à la tête.
Analyse du DPCP
La protection des personnes chargées de l'application et de l'exécution de la loi conférée par l'article 25 du Code criminel (C.cr.)
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Considérant le comportement autodestructeur de l'homme, sa blessure frontale importante, son comportement agressif, son défaut d'obtempérer aux tentatives de désescalade verbale et la présence de sang sur le sol de la cellule qui présentait un risque de chute advenant une altercation physique, les policiers avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour l'empêcher de s'infliger des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel.
La défense de légitime défense prévue à l'article 34 du C.cr.
L'agent de la paix peut invoquer la défense de légitime défense applicable à toute personne.
Le paragraphe 34(1) du C.cr. prévoit qu'une personne n'est pas coupable d'une infraction si, à la fois, elle :
- croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu'on menace de l'employer contre elle ou une autre personne;
- commet l'acte constituant l'infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l'emploi ou la menace d'emploi de la force;
- agit de façon raisonnable dans les circonstances.
Dans le présent dossier, à une occasion, l'usage de la force a été commis par un policier dans un contexte de légitime défense. Lors de la première tentative d'intervention auprès de l'homme, celui-ci a tenté d'agresser physiquement un policier. À ce moment, le policier maniant l'AIE a émis une décharge électrique dans le but de protéger son collègue d'une agression physique et lui permettre de sortir de la cellule en sécurité.
Au regard du paragraphe 34(2) du C.cr. - qui dresse une liste non exhaustive des facteurs à considérer pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances - l'analyse de la preuve au dossier permet de conclure qu'en recourant à une décharge de l'AIE à ce moment, le policier a tenté de protéger son collègue de façon raisonnable.
Par conséquent, le DPCP est d'avis que les critères d'application de la légitime défense sont satisfaits.
Pour l'ensemble de ces motifs, l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'un acte criminel par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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