Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 25 juillet 2020 à Sherbrooke, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 26 mai 2021 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 25 juillet 2020 à Sherbrooke, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Sherbrooke (SPS).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 25 juillet 2020, à partir de 10 h 11, plusieurs appels sont faits au 911 par des citoyens se trouvant dans le stationnement d'une épicerie, à Sherbrooke. Ils rapportent qu'un homme a frappé un homme âgé et qu'il déambule de manière anormale, voire agressive, dans le stationnement.
Avant l'arrivée des policiers, l'homme essaie de frapper deux autres personnes présentes dans le stationnement. Plusieurs témoins de l'événement rapportent qu'il semble avoir consommé et qu'il est déconnecté, voire possiblement en psychose.
Un premier policier du SPS arrive seul dans le stationnement à 10 h 14. Il discute avec des témoins qui le dirigent vers l'homme. Le policier estime qu'il doit faire cesser sa progression vers la sortie du stationnement, car il représente un danger pour lui-même et pour autrui.
Après s'être identifié comme policier, il essaie d'abord de l'arrêter en l'interpellant, en lui demandant de s'arrêter et en touchant son coude droit. L'homme n'obtempère pas, et durant l'intervention, il essaie à plusieurs reprises de frapper le policier au visage. Le policier décide donc d'utiliser le poivre de Cayenne pour le maîtriser, mais cela n'a aucun effet sur l'homme qui se remet rapidement à marcher vers la sortie du stationnement. Le policier lui donne alors un coup au niveau de la mâchoire avec son poing fermé et réussit à l'amener au sol. L'homme s'accroche au policier qui lui demande de le lâcher. Comme il ne lâche pas prise, le policier lui fait un point de pression au niveau du bas de l'oreille gauche et en arrière de la mâchoire.
Deux citoyens viennent ensuite en aide au policier qui parvient à menotter l'homme dans le dos. Il est aussitôt placé en position latérale de sécurité. Le policier le met en état d'arrestation et l'informe de ses droits.
Entre 10 h 18 et 10 h 20, trois autres policiers du SPS arrivent sur les lieux et prennent le relais auprès de l'homme. Ils contrôlent ses mouvements pour éviter qu'il se débatte et qu'il se blesse, ou qu'il blesse quelqu'un d'autre. Une ambulance est demandée par l'un d'eux pour que l'homme soit évalué et transporté à l'hôpital. L'ambulance arrive rapidement.
Lors de l'évaluation de son état par les ambulancières, l'homme dit avoir consommé « des pilules » et du « ICE ». Il est encore agité et essaie toujours de donner des coups aux personnes autour de lui.
Lorsque l'ambulance est sur le point de partir vers l'hôpital, l'homme tombe soudainement en arrêt cardiorespiratoire. Les ambulancières commencent les manœuvres de réanimation et les pompiers, dont l'assistance a été demandée, prennent éventuellement le relais.
Deux policiers escortent l'ambulance jusqu'à l'hôpital où le décès de l'homme est constaté à 11 h 36, après plusieurs tentatives de réanimation. Selon le rapport d'autopsie, « le décès est attribuable à une polyintoxication aux drogues usuelles et d'abus ».
Analyse du DPCP
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime.
De plus, dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Dans ce dossier, l'intervention était légale. Le policier du SPS arrivé en premier sur les lieux avait des motifs raisonnables de croire que l'homme avait commis un acte criminel et il pouvait l'arrêter sans mandat.
Considérant le niveau d'agressivité de l'homme, qui a tenté de le frapper à plusieurs reprises durant l'intervention, son comportement erratique et le risque qu'il représentait pour lui-même et pour autrui, la force utilisée par le policier du SPS était raisonnable et nécessaire pour réussir à le maîtriser.
Vu l'état d'agitation de l'homme, les policiers du SPS arrivés sur les lieux par la suite ont également utilisé uniquement la force nécessaire, et ce, pour contrôler ses mouvements afin d'éviter qu'il se débatte et qu'il se blesse, ou qu'il blesse quelqu'un d'autre. Ils se sont ensuite assurés qu'il soit pris en charge par les services d'urgence.
Ultimement, le décès de l'homme n'a pas été causé par l'intervention policière, mais par une polyintoxication aux drogues. La force employée par les policiers du SPS fut limitée à ce qui était nécessaire dans les circonstances.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'un acte criminel par les policiers du SPS impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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