Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 28 mars 2020 à Sainte-Anne-des-Monts, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 7 avril 2021 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme le 28 mars 2020 à Sainte-Anne-des-Monts, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve révèle que l'acte commis par le policier de la Sûreté du Québec (SQ) constituait de la légitime défense.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si, à la lumière des faits retenus, celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé la personne blessée de la décision.
Événement
Le 28 mars 2020, à 1 h 37 du matin, une personne appelle au 911 afin de se plaindre de son voisin qui crie, est agressif et semble en état d'ébriété.
À 1 h 45, les policiers arrivent sur les lieux de la résidence. Un locataire déverrouille la porte de l'immeuble à distance.
Lorsque les policiers pénètrent dans l'immeuble, tout est calme. Ils cognent à la porte de l'appartement de l'homme visé par l'appel 911. Ce dernier leur ouvre et leur demande en criant ce qu'ils veulent. Il semble en état d'ébriété. Un des policiers lui explique qu'ils ont reçu une plainte de bruit à son sujet.
L'homme tente de fermer la porte. Afin de l'en empêcher, les policiers mettent chacun un pied dans l'embrasure de la porte. L'homme lâche alors la porte et tente de prendre un des policiers à la gorge. Ce dernier le repousse et l'homme tombe au sol sur le dos, le corps bien droit. En chutant, il se cogne la tête sur le plancher.
Les policiers s'approchent de l'homme afin de vérifier son état. Celui-ci émet des bruits de ronflement, semble inconscient et ne répond pas aux stimuli. Il sera plus tard transporté à l'hôpital en ambulance, puis transféré dans un second centre hospitalier en raison de blessures importantes à la tête, notamment des fractures crâniennes et des hémorragies cérébrales.
Analyse du DPCP
La protection des personnes chargées de l'application et de l'exécution de la loi conférée par l'article 25 du Code criminel (C.cr.)
L'article 25 C.cr. accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.
La première condition à satisfaire pour pouvoir en bénéficier est que l'utilisation de la force doit avoir eu lieu dans le cadre d'une intervention autorisée par la loi.
Dans ce dossier, les policiers répondaient à un appel d'urgence pour une plainte de bruit, soit une infraction à un règlement municipal. Ils agissaient donc en vertu du Code de procédure pénale et de la Loi sur la police.
L'objectif de l'intervention était de mettre fin à l'infraction, d'identifier le contrevenant et, possiblement, de lui remettre un constat d'infraction. Tel que reconnu par les tribunaux, les policiers avaient l'autorisation implicite d'approcher de la porte de l'appartement de l'homme et d'y frapper. Cependant, la tentative de l'homme de refermer la porte constituait une révocation de cette autorisation implicite. En mettant leur pied dans le cadrage de la porte de l'appartement afin d'empêcher celui-ci de la fermer, les policiers se sont introduits sans autorisation dans son domicile.
Dans le présent cas, l'intervention étant régie par le Code de procédure pénale, les policiers ne pouvaient pénétrer dans un endroit non accessible au public, sauf si la vie, la santé ou la sécurité d'une personne était en danger.
Par ailleurs, le pouvoir de maintenir la paix prévu par la Loi sur la police est, à lui seul, insuffisant pour justifier une exception au principe de l'inviolabilité du domicile.
Par conséquent, les agents de la paix ne bénéficiaient d'aucune autorisation légale pour entrer chez l'homme et le policier ne peut donc se prévaloir de la protection prévue à l'article 25 C.cr.
La défense de légitime défense prévue à l'article 34 C.cr.
L'agent de la paix qui ne peut bénéficier de la protection offerte par l'article 25 C.cr. peut toutefois invoquer la défense de légitime défense applicable à toute personne.
Le paragraphe 34(1) C.cr. prévoit qu'une personne n'est pas coupable d'une infraction si, à la fois, elle :
- croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu'on menace de l'employer contre elle ou une autre personne;
- commet l'acte constituant l'infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l'emploi ou la menace d'emploi de la force;
- agit de façon raisonnable dans les circonstances.
Dans le présent dossier, la preuve révèle que l'homme a employé ou menacé d'employer la force contre le policier en tentant de le prendre à la gorge. La première condition est donc satisfaite.
Quant au deuxième critère, le policier a livré une version crédible dans laquelle il a déclaré qu'il avait réagi d'instinct, par réflexe, et qu'il avait poussé l'homme pour se « dégager ». L'acte a donc été commis dans un objectif défensif.
Demeure la question du caractère raisonnable de la force employée. Le paragraphe 34(2) C.cr. dresse une liste non exhaustive des facteurs à considérer pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances.
L'analyse de la preuve au dossier en lien avec ces critères permet de conclure qu'en réagissant au geste de prise au niveau de la gorge par une rapide poussée à la poitrine de l'attaquant, le policier a tenté de se dégager de façon raisonnable.
Les critères d'application de la défense de légitime défense sont par conséquent satisfaits. La preuve à cet égard s'avérant par ailleurs crédible et convaincante, il n'y a pas lieu de porter des accusations de voies de fait à l'encontre du policier.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'acte commis par l'agent de la paix de la SQ l'a été dans un contexte de légitime défense en vertu de l'article 34 C.cr.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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