Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête instituée en vertu de l'article 289.3 de la Loi sur la police à la suite de l'événement survenu le 31 janvier 2018 à Maniwaki, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 19 juill. 2019 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme le 31 janvier 2018 à Maniwaki, et des renseignements obtenus lors de procédures judiciaires afférentes, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par le constable spécial de la Direction de la sécurité dans les palais de justice du ministère de la Sécurité publique.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un comité composé de deux procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureurs). Ces derniers ont procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Un procureur qui a participé à l'analyse du dossier a rencontré et informé la personne blessée de la décision.
Événement
Le 31 janvier 2018, un homme est légalement détenu au palais de justice de Maniwaki et supervisé par trois agents de la firme de sécurité Garda dans un local de 12 pieds par 12 pieds qui tient lieu de pièce de détention. Vers 13 h 10, l'homme sort du local et indique aux agents de Garda qu'il s'en va fumer. Ces derniers lui demandent de retourner dans le local où il doit être détenu et ne peut en sortir. Il refuse de coopérer.
L'agent de sécurité du palais de justice avise le constable spécial, soit le seul agent de la paix en service au palais de justice. Celui-ci prend en charge la situation afin de retenir l'homme dans le local. Puisque l'homme refuse d'y demeurer et de collaborer, l'agent de la paix entreprend de menotter l'homme. Celui-ci résiste et une altercation physique s'ensuit.
L'altercation se déplace dans la salle d'attente. Le constable prend l'homme par le cou avec son bras gauche afin de le faire entrer dans le local. Il parvient à l'emmener à l'intérieur du local qui lui sert de lieu de détention, mais l'homme ressort presque aussitôt.
Le constable demande à l'agent de sécurité du palais de justice d'aller appeler la police, puisqu'il a de la difficulté à maîtriser l'homme. Ce dernier lui donne notamment un coup de poing dans le ventre. Le constable demande de l'aide. Deux agents aident le constable à repousser l'homme dans le local, puis ils gardent leurs distances. Le constable éprouvant toujours de la difficulté à maîtriser l'homme sort sa bouteille de poivre de Cayenne et tente de l'asperger, mais rien ne sort de la bouteille.
Voyant la bouteille de poivre de Cayenne, l'homme se recroqueville sur le sol. Le constable lui ordonne de rester couché par terre et de mettre ses mains dans son dos. Il sort ensuite son bâton télescopique dans le but de le menotter et d'effectuer une technique de contrôle visant à dégager les bras de l'homme que celui-ci garde sous son corps. Lorsqu'il positionne son bâton sous le bras de l'homme, ce dernier se relève soudainement et réussit à s'emparer du bâton télescopique. Il frappe alors le constable à plusieurs reprises sur le bras et la tête. Il lui assène un coup particulièrement violent sur le dessus du crâne.
Le rapport d'expertise ADN au dossier indique que le profil génétique de l'homme a été retrouvé dans le prélèvement effectué sur le manche du bâton télescopique. Quant au prélèvement fait sur la partie télescopique du bâton, seul le profil génétique du constable a été retrouvé.
Un des agents de Garda s'interpose pour essayer de retirer le bâton télescopique des mains de l'homme. Le bâton tombe sur une table, puis au sol.
La preuve révèle que le constable est alors sérieusement blessé à la tête. Il saigne abondamment, semble sur le point de s'évanouir et craint que l'homme ne s'empare de son arme à feu. Personne ne lui vient en aide.
Le constable sort son arme à feu et la pointe vers l'homme qui, selon lui, se trouve en position accroupie dans le fond du local, c'est-à-dire en « petit bonhomme ». Le constable lui ordonne de façon répétée de ne pas bouger. L'homme fait alors un mouvement vers le constable. Ce dernier fait feu à une seule reprise, atteignant l'homme au visage.
L'enregistrement vidéo de l'événement réalisé par l'un des témoins ne permet pas de voir l'altercation dans le local mais comporte suffisamment d'éléments pour valider les faits retenus par le DPCP.
La presque totalité des déclarations des témoins obtenues dans cette affaire contient certaines incohérences ou contradictions.
Après analyse de l'ensemble de la preuve, le DPCP retient cependant la version donnée par le constable et corroborée par la mère de l'homme, selon laquelle ce dernier se trouvait en position de « petit bonhomme » et a fait un mouvement vers le constable avant que celui-ci ne fasse feu.
L'homme et le constable sont tous deux transportés par ambulances dans un centre hospitalier afin d'y traiter leurs blessures.
Des accusations ont été portées en lien avec le présent événement contre l'homme et ce dernier a plaidé coupable à quatre accusations soit; d'avoir désarmé un agent de la paix, d'avoir commis à une agression armée et des voies de fait causant des lésions corporelles à celui-ci et d'avoir par ailleurs proféré des menaces de causer des lésions corporelles à l'égard de l'un des agents Garda.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les agents de la paix sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention du constable était légale tenant compte des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de son acte de nomination.
La preuve révèle que l'homme refusait d'obtempérer aux ordres du constable et que son comportement violent persistait malgré la tentative du constable de le maîtriser, l'utilisation du poivre de Cayenne et celle du bâton télescopique. Lorsqu'il a sorti son arme à feu, le constable n'avait aucune arme intermédiaire, se trouvait dans un endroit clos et venait de subir une violente attaque à la tête qui l'avait laissé grandement affaibli. Personne ne lui venait en aide et les secours n'étaient toujours pas arrivés. Lorsqu'il a intimé à l'homme de ne pas bouger, celui-ci a alors fait un mouvement vers l'avant et le constable a craint une nouvelle attaque.
En définitive, l'ensemble de la preuve convainc le DPCP que le constable disposait de motifs raisonnables, au sens du paragraphe 25(1) C.cr., d'utiliser la force à mains nues, la bouteille de poivre de Cayenne et le bâton télescopique dans le cadre de son intervention auprès de l'homme. Quant à l'utilisation de son arme à feu, elle était justifiée en vertu du paragraphe 25(3) C.cr., puisque le constable avait également des motifs raisonnables de craindre pour sa vie et sa sécurité. L'imminence du danger était réelle et le constable n'avait pas à attendre que l'attaque se concrétise. Rappelons que son intervention n'a pas à être évaluée en fonction d'une norme de perfection.
Enfin, en ce qui concerne le fait que le constable ait pointé les gens à l'extérieur du local avec son arme en leur criant de ne pas bouger après avoir tiré sur l'homme, considérant l'événement qui venait de se produire, l'agitation des témoins présents et l'état du constable, causé par les violents coups à sa tête portés par l'homme, l'utilisation de la force reposait, dans les circonstances, sur des motifs raisonnables. Le constable a utilisé la force nécessaire dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi conformément au paragraphe 25(1) C.cr. Conséquemment, le DPCP exclut toute infraction d'usage négligent d'une arme à feu ou de braquage d'une arme à feu en vertu des articles 86 et 87 C.cr.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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