Le DPCP expose les motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 19 août 2017 à Sherbrooke, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 19 janv. 2021 /CNW Telbec/ - Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) annonçait dans son communiqué intérimaire du 3 avril 2019 qu'il concluait que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Sherbrooke (SPVS). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme le 19 août 2017 à Sherbrooke.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à un comité composé de deux procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ces derniers avaient procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révélait la commission d'infractions criminelles. Un procureur qui a participé à l'analyse du dossier a informé la personne blessée des motifs de la décision.
Les procédures juridiques étant terminées, voici les motifs ayant mené le DPCP à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Événement
Le 19 août 2017, à 14 h 48, les policiers du SPVS reçoivent un appel pour un individu en crise à Sherbrooke. L'appel provient d'une intervenante du Centre de réadaptation en dépendance de l'Estrie (CRDE). Elle indique qu'une proche d'un usager a téléphoné pour obtenir de l'aide, puisque l'homme se trouve chez elle avec un couteau. L'intervenante signale qu'elle a pris l'initiative de communiquer avec les policiers, puisque cette dame refuse qu'ils se rendent chez elle.
Un policier et une policière se rendent chez la dame. En route, ils apprennent que le jeune homme en possession d'un couteau aurait des problèmes de santé mentale.
À 14 h 56, les policiers se stationnent en retrait sur la rue, afin de ne pas être vus par les résidents, ne sachant pas si ces derniers ont été avisés de leur intervention. Ils s'accroupissent derrière la végétation et aperçoivent trois véhicules stationnés dans l'entrée. Vérification faite, l'une des plaques d'immatriculation correspond à celle du véhicule de l'homme qui se serait présenté avec un couteau.
Les policiers constatent la présence d'une femme et d'un homme âgés sur la galerie. Ils semblent calmes. Ils remarquent aussi la présence d'un homme vers la fin vingtaine dont les mouvements rapides traduisent une certaine agitation.
Ils entendent une discussion sans pouvoir distinguer les paroles. Bien que le ton monte parfois, la discussion paraît calme; il n'y a pas de chicane.
Après quelques minutes, le jeune homme s'assoit dans les marches qui mènent à la galerie et semble discuter au téléphone. Les agents n'aperçoivent aucune arme en sa possession.
Après avoir observé la scène pendant quelques minutes, les policiers décident de s'approcher. Ils avancent vers la maison en s'accroupissant derrière un véhicule. Lorsqu'ils arrivent près des marches, le jeune homme se retourne vers eux et les aperçoit. Le policier se trouve alors dans les marches et la policière derrière lui, à sa droite. L'homme fonce vers eux. Le policier descend les marches en reculant et, alors qu'il lui reste environ une marche à descendre, il constate que l'homme a un couteau dans sa main gauche. Il tient l'arme à la hauteur des hanches, pointée vers les policiers.
Le policier recule de quelques pas et crie à sa collègue que l'homme a un couteau, tout en dégainant son arme. Il perd alors de vue l'homme pendant une fraction de seconde. Lorsque le policier se retourne, l'homme est rendu dans le bas des marches, très près de lui. Le policier lui crie de cesser d'avancer, mais l'homme n'obtempère pas. Le policier tire alors trois coups de feu en direction de l'homme.
Celui-ci lâche son couteau et se dirige lentement entre la maison et la haie de cèdres se trouvant à proximité. Le policier lui crie de se coucher par terre, mais l'homme ne s'exécute pas. Le policier sort alors son bâton télescopique et en assène un coup sur la cuisse droite de l'homme. Ce dernier finit par se coucher, une fois de l'autre côté de la haie. Le policier demande des renforts.
L'homme est par la suite transporté en ambulance à l'hôpital, où des blessures importantes sont constatées au thorax, à l'abdomen et à l'avant-bras gauche.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application et de l'exécution de la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, les policiers sont intervenus légalement afin d'assurer la vie et la sécurité d'autrui. Considérant l'état apparent de l'homme impliqué, le couteau en sa possession, la distance qui le séparait des policiers et la position de ces derniers, ainsi que le refus de l'homme d'obtempérer malgré les ordres répétés, les policiers avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour leur protection contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas, à son, avis la commission d'un acte criminel par les policiers du SPVS impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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