Le DPCP expose les motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 20 avril 2019 à Montréal, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 23 févr. 2021 /CNW Telbec/ - Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) annonçait dans son communiqué intérimaire du 11 novembre 2020 qu'il concluait que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par le policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme le 20 avril 2019 à Montréal.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révélait la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé la personne blessée de la décision.
Les procédures juridiques étant terminées, voici les motifs ayant mené le DPCP à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Événement
Le 20 avril 2019, un policier du SPVM qui n'est pas en service conduit sa voiture personnelle sur la rue De Salaberry, à Montréal, lorsqu'il voit un homme donner des coups de poing et des coups de pied à un autre homme étendu sur le sol.
Le policier descend alors de son véhicule en prenant avec lui sa lampe de poche personnelle de type « Maglite ». À plusieurs reprises, il s'identifie comme policier et demande à l'homme d'arrêter de frapper la victime.
Étant donné que l'homme continue de frapper la victime, le policier le pousse au niveau de l'épaule gauche afin de les séparer.
Une altercation s'ensuit et le policier a de la difficulté à maîtriser l'homme qui l'agrippe et tente de le frapper. Le policier lui inflige des coups au bras et à la tête avec sa lampe de poche et il réussit à l'amener au sol. Il le maintient ensuite au sol et tente de le calmer.
L'homme est blessé à la tête. Il a une lacération profonde au front.
Plusieurs passants viennent alors en aide à l'homme en attendant les secours qui le transportent éventuellement à un hôpital où il est mis en état d'arrestation pour voies de fait (envers la victime) et pour voies de fait contre un agent de la paix (envers le policier). Il sera finalement accusé de deux chefs de voies de fait simples.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Le policier du SPVM pouvait arrêter sans mandat l'homme qu'il a trouvé en train de commettre une infraction criminelle (voies de fait à l'encontre de la victime), et ce, même s'il n'était pas en service au moment des faits (un policier qui n'est pas en fonction possède tout de même les pouvoirs d'un agent de la paix).
Considérant le niveau d'agressivité de l'homme qui s'en est pris à lui lors de l'intervention et son défaut d'obtempérer à de nombreuses reprises, le policier avait des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à son endroit était nécessaire pour la protection de la victime contre des lésions corporelles graves ou la mort, pour sa propre protection, et pour procéder à l'arrestation de l'homme.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par l'agent de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'un acte criminel par le policier du SPVM impliqué dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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