Le DPCP expose les motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 28 février 2021 à Longueuil, lors duquel une femme a subi une perte de conscience
QUÉBEC, le 2 mars 2022 /CNW Telbec/ - Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) annonçait dans son communiqué intérimaire du 12 janvier 2022 qu'il concluait que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de l'agglomération de Longueuil (SPAL). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant la perte de conscience subie par une femme le 28 février 2021 à Longueuil.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle‑ci révélait la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé la personne impliquée de la décision.
Les procédures judiciaires étant terminées, voici les motifs ayant mené le DPCP à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Événement
Le 28 février 2021, à 3 h 03, un appel est fait au 911 par un homme pour du bruit chez l'un de ses voisins où il y a un rassemblement contrevenant aux règles sanitaires en place pour lutter contre la COVID-19.
Deux policiers arrivent sur les lieux à 4 h 44. Après un refus initial, ils obtiennent l'autorisation d'entrer. Trois autres policiers viennent éventuellement les rejoindre. À l'intérieur de l'appartement, il y a sept personnes, dont une femme et sa conjointe, lesquelles n'habitent pas sur les lieux et n'ont donc pas le droit de s'y trouver. Elles sont toutes les deux intoxiquées.
Un taxi est appelé pour les reconduire à leur domicile. Alors qu'elles sont à l'extérieur pour attendre leur taxi, la femme et sa conjointe se chicanent. La femme tape alors la bouteille d'alcool qu'elle tient dans sa main sur un bac de poubelle. Elle lève ensuite la main avec laquelle elle tient la bouteille et elle menace sa conjointe de la frapper avec celle-ci.
Un policier fait alors reculer la conjointe de la femme et cette dernière est maîtrisée par un autre policier qui prend le contrôle de ses deux bras en les bloquant derrière son dos. Un autre policier prend quant à lui le contrôle de la bouteille. La femme se débat et résiste à son arrestation. Ensemble, les trois policiers l'amènent au sol, où ils réussissent à la menotter. La femme est ensuite relevée et accotée sur une autopatrouille, où elle est fouillée. Elle essaie alors de se cogner la tête contre le véhicule et un des policiers essaie d'amortir les coups en plaçant sa main entre sa tête et le véhicule. La femme est ensuite placée dans le véhicule, menottée, où elle est officiellement mise en état d'arrestation pour agression armée. Elle commence à s'agiter et à se cogner la tête contre la cloison de la voiture. Il est convenu que la femme sera amenée au poste pour dégriser et qu'elle sera ensuite libérée sous promesse avec conditions.
Deux policiers partent donc avec la femme vers le poste. Ils y arrivent à 5 h 56. Pendant le trajet, elle est plus calme et collaborative. Une fois au poste, elle recommence à bouger beaucoup et elle se cogne la tête à plusieurs reprises sur la vitre et la cloison de la voiture. Un des policiers demande alors du renfort et d'autres policiers viennent les rejoindre.
La femme est maintenant couchée sur la banquette arrière du véhicule. Pendant qu'un policier tente de contrôler sa tête, trois autres policiers essaient de maîtriser ses jambes, avec lesquelles elle donne des coups en direction des policiers. Les policiers réussissent éventuellement à lui mettre des attaches de type « tie-wraps » aux chevilles.
Pendant l'intervention, la femme tient des propos suicidaires et un policier demande qu'une ambulance soit appelée.
Les ambulanciers arrivent à 6 h 14. La femme est sortie de la voiture et elle est placée sur une civière. Les policiers informent les ambulanciers qu'elle dort depuis quelques minutes. Elle est démenottée, les attaches sont retirées et les ambulanciers lui mettent des contentions. Vu son absence de réaction à des stimuli douloureux, les ambulanciers concluent qu'elle est inconsciente. Ils partent rapidement vers l'hôpital, vers 6 h 25. Un policier les accompagne dans l'ambulance et un autre policier les suit dans son autopatrouille. Ils arrivent à l'hôpital à 6 h 31.
La femme revient à elle à l'hôpital, où son cas est traité comme un surdosage suite à une intoxication récréative. Elle n'a pas de blessures graves et elle obtient son congé plus tard ce matin-là. Les policiers présents à l'hôpital lui font signer une promesse avant qu'elle quitte.
Analyse du DPCP
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime.
De plus, dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Dans ce dossier, l'intervention était légale. Lorsqu'ils sont arrivés sur les lieux, les policiers étaient autorisés à agir, puisqu'ils enquêtaient, suite à un appel fait au 911, sur un rassemblement illégal et puisqu'ils ont obtenu l'autorisation d'entrer dans l'appartement.
Une fois à l'extérieur avec la femme et sa conjointe, des policiers ont vu la femme, une bouteille d'alcool à la main, menacer sa conjointe. À ce moment-là, les policiers avaient donc des motifs raisonnables de croire qu'elle venait de commettre un acte criminel et qu'ils pouvaient procéder à son arrestation sans mandat en vertu du paragraphe 495(1) C.cr.
Selon la preuve, il est clair que la femme s'est débattue et qu'elle a résisté à son arrestation. Les policiers ont donc dû utiliser la force nécessaire pour la maîtriser et réussir à la menotter. À cette fin, ils lui ont contrôlé les bras et ils l'ont amenée au sol.
Une fois au poste, la femme s'est de nouveau mise à être en crise. Elle essayait de se cogner la tête et de donner des coups de pieds aux policiers. Elle a aussi tenu des propos suicidaires. Les policiers ont donc utilisé la force nécessaire pour la maîtriser afin d'éviter qu'elle se blesse ou qu'elle blesse un policier. Une fois maîtrisée, elle a rapidement été prise en charge par les ambulanciers.
À l'hôpital, son cas a été traité comme un surdosage dû à une intoxication récréative. Ultimement, la femme n'a pas subi de blessure grave suite à l'intervention des policiers qui ont utilisé uniquement la force nécessaire, d'une part, pour réussir à la maîtriser et procéder à son arrestation, puis, d'autre part, pour la maîtriser afin d'éviter qu'elle se blesse ou qu'elle blesse un policier.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPAL impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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